30 octobre 2009

Macau d'Antoine Volodine



Le dernier livre d'Antoine Volodine, mon grand écrivain français, cet homme mystérieux aux nombreux noms, est en librairie. Il faut lire Songes de Mevlido, paru en 2007, ce chef-d'oeuvre total. Il faut lire Avec les moines soldats, paru en 2008, sous le pseudonyme de Lutz Bassmann, autre grand livre.

Antoine Volodine est ce qui s'écrit de plus ambitieux en France, actuellement.

Voici son nouveau livre, Macau, un petit livre, un espace de repos, un objet auquel il tient sans doute, alors traitons-le avec respect. Mais disons-le franchement, avec la même égalité, c'est une fiction mineure. J'attends, alors, le prochain livre avec empressement, parce que je guettais celui-ci depuis plusieurs mois avec l'avidité de la passion. Moi, et aussi plusieurs activistes de rencontre, qui parce qu'ils connaissent mes origines françaises imaginent que je connais personnellement tout le monde. Non, je n'ai jamais pu rencontrer Antoine Volodine, trop secret, sans doutes n'a-t-il même pas remarqué mes demandes de rendez-vous.

Les activistes savent à quel point Sonia Wolguelane est étourdissante, nous avons tous hâte de lire ses nouvelles aventures.

Nous attendons.
Nous attendons.
Nous attendons.

En attendant, un extrait de Macau, ce qui n'est déjà pas si mal :

« A force de ne vouloir voir que les restes, ton territoire se rétrécit, et un jour tu te rends compte que tu ne te promènes plus que dans les allées horribles qui séparent les arrières des petits immeubles du port intérieur. Tu ne vas plus dans les ruelles, ou plutôt tu les parcours comme un simple début prometteur de chemin, jusqu’au moment où tu peux t’enfoncer entre les murs, dans ces canyons répugnants, surchargés de climatiseurs rouillés, de tuyaux infâmes et de déchets. Tu ne cherches plus rien, tu ne remues plus que des ombres déprimées de souvenirs, tu ne revisites plus la ville dans laquelle tu as vécu, dans laquelle tu as aimé et dans laquelle tu as connu les peurs et les passions déglinguées de l’exil. Tu ne scrutes plus en toi l’écho des témoignages, non, tu es à présent une forme animale qui marche sans but dans un paysage de couloirs sales. Tu n’es plus exactement à Macau, dans les quartiers du port intérieur, Patane, Barra, tu es plutôt entré dans une abjection imaginaire, dans un lieu où les vivants ne circulent pas et qui ne correspond à aucune histoire personnelle, et qui ne t’apporte rien, sinon une sensation de dégoût, qui te dégoûte pour rien. On a envie de te dire de réagir, on voudrait t’inciter à t’éloigner, à tout faire maintenant pour ne pas devenir peu à peu une créature à l’envergure mentale limitée, aux obsessions voisines de celles qui caractérisent les cafards. »