9 octobre 2009

Bruno Latour Vs Romanciers

J'en termine ici avec ma lecture de Sur le culte moderne des dieux faitiches, de Bruno Latour, à paraître le 15 octobre.
« En joignant les deux sources étymologiques, nous appellerons faitiche la robuste certitude qui permet à la pratique de passer à l’action sans jamais croire à la différence entre construction et recueillement, immanence et transcendance.

Dès que nous commençons ainsi à considérer la pratique, sans plus nous préoccuper de choisir entre construction et vérité, toutes les activités humaines et pas seulement celles des adeptes du candomblé ou des savants de laboratoire se mettent à parler de la même passe, du même faitiche. Les romanciers ne disent-ils pas, eux aussi, qu’ils sont « emportés par leurs personnages » ? On les accuse, il est vrai, de mauvaise foi, les soumettant d’abord à la question : « Fabriquez-vous vos livres ? Etes-vous fabriqués par eux ? » Et eux de répondre, obstinément, comme les Nègres et comme Pasteur, avec l’une de ces formules admirables dont le sens risque toujours de se perdre : « Nous sommes les fils de nos œuvres. » Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’ils font de la dialectique et que le sujet s’autopositionnant dans l’objet se révèle à lui-même en s’aliénant à travers lui, car les artistes, se moquant éperdument du sujet comme de l’objet, passent justement entre les deux, sans effleurer à aucun moment ni le sujet maître de ses pensées ni l’objet aliénant. »