22 octobre 2009

La confession de Stanislas Kirski

J'ai été malade. Quelque chose qui prend à la gorge. Je ne me replonge que maintenant dans la longue confession de Stanislas Kirski. Je réécoute sa voix, sa voix de vieux, sa voix de cancéreux, elle me touche, j'ai ma gorge qui se resserre. Et lorsque je retranscris, je me souviens de l'émotion, il était déchiré, Stanislas, il était déchirant.


"Pourtant, je l’ai souhaité cette chute.
Tu ne peux pas savoir à quel point je l’ai souhaité cette fin. J’avais des raisons très personnelles. Je voulais les voir crever ! Tous ! Sale peuple de merde. Je voulais…

Tous les experts militaires, toutes les agences d’espionnage et de prédictions venaient me voir, ils me payaient cher, très cher, j’étais adulé, parce que je prédisais juste, que j’étais fin, le meilleur spécialiste qu’ils disaient. J’étais devenu cet américain respectable. Je connaissais le cœur du peuple soviétique. T’ai-je dis que j’avais des raisons personnelles ?

1989 ? Aucune possibilité de transformation ! Continuer la stratégie de la guerre des étoiles. L’URSS ne lâchera rien. Enfin tout de même, la crise de Cuba c’était du pipi par rapport à 1983.

Hein ! Qui se souvient de 1983 ?

Moi, je faisais dans mon froc.

Et tous les militaires péteux du Pentagone idem. Tu comprends ? Non ! Tu ne sais pas ce qui s’est passé en 1983.

J’y étais, moi.

J’ai mis mes deux enfants américains, oui, mes deux filles, je les ai envoyé dans l’océan atlantique sur un bateau, avec l’ordre de ne jamais accoster.

Moi, j’étais un expert, très précieux, j’étais dans un bunker, entouré de militaires pétochards qui pleuraient leur mère.

Je me souviens à un point crucial de cet automne 1983. La tension qu’il y avait. Je te le dis avec la chair de poule. Le 1er septembre, un avion de Korean Airlines est abattu par un chasseur communiste. Il a pénétré par erreur dans le territoire aérien soviétique. L’erreur surtout, se fut le passager principal. Un membre du congrès. Tu imagines le problème. Les extraterrestres auraient fait moins de dégâts.

Le 26 septembre, oui, le 26 septembre 1983, le monde aurait pu s’arrêter, les bombes ont failli être lâchées, les russes auraient commencé, j’ai cette scène sans cesse dans mes rêves, je le sais, j’imagine que je suis Stanislas Petrov. Qu’aurais-je décidé à sa place ? Je pleure à chacun de mes rêves.

Si je rêve, je ne rêve que de cette scène. Je suis Stanislas Petrov. Et j’applique le règlement qui m’a été inculqué savamment. Suis-je un homme ? Suis-je ce nouvel homme communiste ? Pourquoi ai-je trahi ? Pourquoi j’ai donné le nom de mes amis ? Pourquoi la torture a cette capacité terrorisante sur moi ?

Je n’ai pas été torturé !

Tu ne le sais pas, je ne suis pas ce héros, un à un j’ai donné les noms de tous mes amis, mes amis innocents, à l’époque c’est comme si je donnais le nom de mes filles, oui, Petrova, j’ai donné le nom de mon amour éternelle. Je suis ce minable terrorisé qui sait.

Je sais à quel point la possibilité de la torture m’a fait tuer mon amour. Petrova…

Tu comprends mes raisons de les faire tous crever.

Tu comprends l’immense haine de mon destin.

Ma fuite. Ma reconversion à K.

J’aime K.

J’adore l’idole K.

L’Amérique m’a sauvé."