13 octobre 2009

Stanislas Kirski est mort

Il m'a fallut du temps, beaucoup d'astuces, de nombreux contacts pour approcher Stanislas Kirski. Cette personne de l'ombre dont le nom n'apparaît nulle part. Lentement j'ai du l'amadouer. Nos conversations prenaient à chaque fois des directions improbables. J'ai tout enregistrée, en cachette. Maintenant qu'il est mort, dans le secret, je peux retranscrire nos conversations. Elles étaient décousues, il était vieux déjà, et les confessions que parfois j'obtenais prenaient un caractère personnel. Je m'attendais à quoi ? A des secrets inconnus ? A de l'inédit ? Ai-je été déçue du coup ? Non. J'y ai trouvée des confirmations. Je vous les livre maintenant. Il s'agit d'un hommage. Je suis triste.


Stanislas Kirski : "L’expérimentation politique, cela existe, cela a déjà eu lieu. Il y en aura encore. Actuellement, nous expérimentons, même si nous n’avons pas cette impression, puisque nous sommes dedans, nous nous plaignons souvent. D’ailleurs, ce qui est expérimenté, cette fois à l’échelle du monde entier, est proprement inédit. Des prouesses, il s’agit bien de prouesses politiques, menées avec le risque le plus grand. Comment faire accepter la pauvreté par ceux-là même qui la subisse ?

Mais, effectivement, tout ceci découle d’une expérience. Il faut se rendre compte à quel point la personne humaine s’est habituée à cette épopée communiste. Et à quel point elle s’est habituée, inversement, à la chute incroyablement brutale de ce même communisme. Une habitude pour ceux n’habitant pas cette double expérience, mais il s’agissait là sans doute d’une habitude évidente. Par contre, plus inhabituelle était l’attitude des populations entière qui dans un premier temps se sont trouvées obligées à participer à cette expérience, et qui subitement, alors qu’il n’y avait pas raisons d’espérer un changement, ont du vivre sous un régime politico-économique radicalement différent. Ils s’y sont habitués avec le même dépit.

Cette question de la fin de cette épopée me touche beaucoup. J’ai peur pour mes enfants. Après soixante-dix années de tension, de désordre dans le monde du fait même de cette expérimentation, soudain finir dans un tel désastre. L’évènement fut sans aucun équivalent dans l’histoire des hommes. L’effondrement du monde soviétique correspond en bonne logique à une guerre totale, qui aurait vu ce vaste territoire exsangue. Or, même la longue attaque nazi sur son territoire, la poussant presque à la défaite, n’a pas eu raison de cette expérience.

Parce que c’était une expérience vivante. Une expérience du vivant. Il existait cette volonté de changer l’homme. De le transformer. De le faire autre. Question de l’éduquer.

Et là, si soudain, l’URSS s’écroule. Complètement. Elle adopte le modèle économique de son pire ennemi. Il faut comprendre ce que peut signifier se retournement. Un retournement sans équivalent. Du jamais vu. Aucun empire humain n’a chuté si rapidement sans invasion extérieure. C’est incompréhensible !

Je ne comprends pas. Nous ne comprenons pas. Personne ne comprend. Et toutes les études que je mène, exclusivement sur ce sujet, n’aboutissent qu’à de vagues pistes générales. Je connais la chronologie. Je sais ce qui s’est passé. Je suis un spécialiste reconnu.

Je ne comprends pas.

Pourtant, je l’ai souhaité cette chute..."